21 AVR
L’esthète et la DS
Par hervetessonneau - Non classé

Lʼ Esthète et la DS
Que la route de lʼesthète croise celle de la DS et sa vie en sera bouleversée  hanté, obsédé par cette forme sculpturale et intemporelle,seule la possession pourra le délivrer.
Que dis-je?
On ne possède pas une DS,cʼest elle qui vous possède.

On nʼachète pas une DS.
On débourse une somme pour en être propriétaire .
Cependant, cette somme ne présage en rien de celles quʼ il faudra débourser pour la conserver.

Une DS nʼa pas de prix.
Que nul ne parle à lʼesthète de la sensibilité de lʼobjet de sa passion à la corrosion.
Il céderait alors à une irrépressible angoisse, craignant que son Eurydice ne se délite sous ses yeux.
Lʼayant acquise, au comble du désir, lʼesthète voudra jouir de sa conquête : la conduire.

La prise en main est déroutante: la position de conduite particulière, le «champignon» de frein surprenant, la boite à vitesse unique en son genre, lʼembrayage absent, le «frein à main» ; à pied… Jʼen passe.
Tout pour que lʼesthète maladroit ne se sente pas à la hauteur.

Ce constat , loin de le rebuter, va attiser son désir dʼapprivoiser la belle, de se mettre au niveau que sa passion exige. Surtout après le premier créneau qui laissera au pare-choc arrière un petit air penché.

Alors,changer dʼhorizon au volant de son «objet-culte», oublier sa gaucherie, la mesquinerie des petits espaces, voilà la fièvre qui va envahir lʼesthète: dévorer lʼasphalte à vive allure, en majesté,sur la voie de gauche , le clignotant rythmant sa course.
Au terme de celle-ci une place royale, digne dʼeux les attendra.
Avaler les kilomètres, mépriser les ralentisseurs, se jouer de la pluie, ridiculiser les BM ,admirer dans le rétroviseur les traces épousant les courbes de la route humide.

Lʼesthète est au Nirvana. Quand tout fonctionne…
Car la DS a sa féminité. Elle sait réclamer plus de soin, montrer quelques faiblesses pour tester lʼamour quʼon lui porte.
Quelle merveille quand elle nʼa pas de fuite, quand un point dur dans la direction ne gâche pas le plaisir, quand la pompe haute pression fait son office, quand les sphères sont en bon état, quand lʼaccumulateur de freins nʼa pas dʼhémorragie, à moins que ce ne soit le manomètre dʼhuile, quand elle ne chauffe pas.
Jour maudit, celui où le gros voyant rouge sʼallume. Jour maudit, celui où elle refuse de dire pourquoi elle ne démarre pas: pompe à essence? Allumage? Le gros voyant rouge ne sʼéteint pas.

Lʼesthète accepte tout cela comme lʼamant transi. La DS nʼest pas capricieuse:  laissant entrevoir la perfection, elle ne se donne quʼà celui dont la dévotion ne se dément jamais.
Lʼamour de lʼesthète est une quête permanente, exigeante, parfois frustrante, jamais vaine.

Jour béni, celui où lʼidole démarre à la première sollicitation, se lève majestueusement sous le regard admiratif des passants et glisse vers de nouvelles aventures, nimbée du mystère de ses entrailles qui, aujourd’ hui, se subliment dans un ronronnement feutré.

M.LACLIDE