16 JAN
Sortie St Jean d’Angely
Par hervetessonneau - Non classé

DE CHARLEMAGNE A ROLAND

 

Munis du livret de route le plus squelettique de l’histoire de notre association (on établit les records qu’on peut), nous sommes arrivés à Saint-Jean-d’Angély à l’heure prévue (plus le quart d’heure bordelais). Au fil de la journée, nous avons découvert que point n’est besoin d’aller très loin pour parcourir le temps et plonger dans l’exotisme. La présence de nombre de nos épouses a enrichi ces invitations au rêve.

Qu’elles en soient remerciées. Remerciements, aussi, à Jean-François, pour son choix judicieux du restaurant gastronomique et astrologique Le Scorlion.

 

Saint Jean d’Angely tient son nom du mariage de l’histoire posthume de Saint Jean Baptiste et du nom d’une Déesse antique de la forêt. Où l’on voit l’habileté de notre guide : en faisant allusion, d’entrée, à une Déesse, il a su capter notre attention. Tout commence avec le roi Pépin 1er d’Aquitaine, descendant de Charlemagne.

Ayant acquis « un des crânes » (!) de l’apôtre Jean, et celui-ci ayant ressuscité ses soldats massacrés par les Vandales, il décida de fonder une abbaye destinée à abriter cette relique. Nous sommes en 817 et au début de ce compte rendu que je me propose de condenser en une dizaine de volumes. En 860, les Vikings détruisent le monastère ; Saint-Jean-d’Angély perd la tête, de Jean. Saint Antoine veille ; en 1010, le crâne est retrouvé, alléluia ! Les Bénédictins fondent une nouvelle abbaye, étape sur la route de Saint Jacques de Compostelle. Sa splendeur durera jusqu’à sa destruction par les huguenots, en 1568, au grand dam des catholiques protestant.

 

En 1621, revers de fortune pour les gibelins, Louis XIII prend la ville, abolit ses privilèges communaux, détruit ses remparts. La répression est telle que la ville est ruinée. Louis XIV pardonne, et au Grand Siècle, puis au siècle des Lumières, Saint-Jean-d’Angély connaitra l’ivresse de la prospérité grâce au négoce des eaux de vie et du cognac. Le corps de bâtiment de l’abbaye visible de nos jours, somptueux, date de cette époque, mais son extension prévue, pharaonique, restera inachevée à cause de la Révolution. Le regard ne sait où se porter, fasciné par les ruines du Moyen Age, ébloui par l’abbaye du XVIIIème et l’ébauche émouvante de son extension.

 

Grandeur et décadence, en 1872, le phylloxera mettra un terme à l’opulence de la ville en détruisant une grande partie de ses vignobles. Le déclin est en marche, mais les témoignages de l’âge d’or de la cité demeurent : la place de !’Hôtel de Ville à la gloire de Michel Regnaud, rédacteur du Code Civil, le Palais de Justice, les hôtels particuliers des riches négociants. Parmi eux, celui de la famille Audouin-Dubreuilh. Nous avons eu le privilège d’en franchir le portail pour l’admirer vu des jardins. Nous y voilà. Tous les chemins mènent à Citroën et Citroën a parcouru le monde.

 

Louis Audouin-Dubreuilh, destiné à reprendre le flambeau du négoce familial des eaux de vie, se découvrit une vocation d’aventurier et d’explorateur après son affectation en Tunisie au cours de la première guerre mondiale. Envoûté par le désert, il tombe amoureux de l’Afrique du Nord, terre où il choisira, au terme de sa vie, de reposer. Recruté par André Citroën, il devient l’adjoint de Georges-Marie Haardt, chef des Croisières Citroën et participe à la traversée du Sahara (1922-1923), à la Croisière Noire (1924-1925), à la Croisière Jaune (1931-1932). Connaissant votre érudition, je sais inutile de rentrer dans les détails de sa biographie. Tout savant que nous sommes, le Musée des Cordeliers nous a donné l’occasion de compléter notre connaissance livresque du sujet.

D’autant plus que notre guide nous a rafraîchi la mémoire avec maestria. Nous avions sous les yeux les objets ramenés de la traversée de l’Afrique, d’Oran à Tananarive : photos, vêtements, objets usuels, armes, œuvres d’art. Nous pouvions contempler les pastels de Lacovleff, peintre officiel des expéditions : portraits de ces pionniers empreints de cette noblesse qui les a rendus dignes de figurer dans !’Histoire. Clou de nos découvertes, : la Citroën-Kégresse sur châssis 62 de la Croisière Noire. Nos DS, garées sur le parking du musée lui ont rendu, par leur présence, un bel hommage.

 

Nostalgie, quand tu nous tiens ! Celle de I’ Histoire, celle des expions de notre marque fétiche. Saint-Jean-d’Angély est à l’image de notre cher et vieux pays, avec ses époques brillantes et ses passages à vide. Trois empires se sont rappelés à notre mémoire : celui de Charlemagne avec Pépin 1er, celui de Napoléon en la personne de Michel Regnaud, enfin, l’Empire colonial français, quand nous croyions en notre mission civilisatrice. Belle initiative que ce voyage à bord d’une expression récente du génie français : la DS.

 

« Un seul être vous manque et tout est dépeuplé ».

Roland n’a pu se joindre à nous. A table, il manquait un convive, et quel convive. Dans les conversations, il manquait une voix, et quelle voix. Dans notre convoi, une DS noire faisait défaut, et quel défaut. En un mot, il manquait un ami, et quel ami. Prompt rétablissement, Roland, nous pensons à toi.

 

  1. LACLIDE